La candeur des mots effleure l’austérité des propos. Qu’on se laisse influencer par sa dérision joyeuse ou ses approches agressives, Maxence, sur scène comme à l’image, aborde la mélancolie et nous laisse imaginer d’elle qu’elle est la racine de son monde. Un monde à fleur de peau, peu tranquille, qui viendra donner à sa pop alternative un parfum de rose enivrant.
La candeur des mots effleure l’austérité des propos. Qu’on se laisse influencer par sa dérision joyeuse ou ses approches agressives, Maxence, sur scène comme à l’image, aborde la mélancolie et nous laisse imaginer d’elle qu’elle est la racine de son monde. Un monde à fleur de peau, peu tranquille, qui viendra donner à sa pop alternative un parfum de rose enivrant.
Maxence, 26 ans, est né un an après la mort de Kurt Cobain. Il vient de Nîmes. Si la vie n’avait pas fait de lui un artiste, il aura pu être enseignant. “Prof de français à l’étranger ou prof d’anglais en France” précise-t-il. Il aime faire rire. Pleurer aussi. Enfant, il rêvait de devenir humoriste. Clown blanc. Capter l’autre, le séduire et l’emmener loin d’une réalité plombée. À 5 ans, deux avions s’écrasent dans des tours à New York. Il voit en direct le monde vaciller. Minute de silence dans la cour de l’école. À peine terminée, ses camarades replongent dans le jeu, les cris, l’excitation juvénile. Lui, non. La tristesse est encore là, palpable, réelle. C’est dans ce genre de moments qu’on devine une différence. Un décalage en tout cas. Maxence est à fleur de peau. Hypersensible. Il ne le sait pas encore mais cela va nourrir sa musique. Lui offrir une identité faite de poésie, de dérision, de fragilité. Il porte un collier de lettres. B.o.n.h.e.u.r. “C’est une manière de rappeler qu’il existe” dit-il, un sourire en coin.
Gamin, la musique, c’est d’abord celle qu’écoute ses parents. Sa maman est plutôt chanson française. Son grand frère, lui, quand il ne met pas dans sa chambre le volume à 11 pour Nirvana ou Linkin Park, joue de la guitare. Maxence l’imite. Suivront le saxophone et la batterie. La musique, pour lui, est “une jolie façon de s’exprimer”. À l’intérieur, plein de choses se téléscopent. Elles doivent sortir. Se matérialiser. La musique est thérapeutique. Au lycée, il chantera une reprise du I Will Survive version Cake. Un déclic. Une première pierre. Ado, il montera avec des potes un groupe de néo metal, Fysh, lui, le fan de Deftones et de son chanteur Chino Moreno. Quelques concerts locaux, un disque auto produit. Il y est, il le sent, il le sait. Il participe également à des cours de théâtre. Même sensation. Il est à sa place. Le temps passe et il se retrouve à Paris avec Sofyane, un autre ami. 2016. Il a l’idée et l’envie de faire de petites chansons “un peu marrantes mais surtout pas parodiques”. Première tentative et premier buzz. Des millions de vues sur YouTube. Le bouche à oreille fonctionne à plein régime. Cette première chanson dévoile un décalage jubilatoire entre des paroles frontales et une musique presque douce. L’époque est paresseuse, elle le classe sans attendre dans la catégorie des influenceurs. C’est un terme presque étrange, en tout cas trop réducteur pour lui et ses créations. Là où certains ne souhaitent qu’être ces hommes-sandwich 2.0 pressés, agripper une célébrité construite sur un sable gluant, Maxence, lui, ne veut pas devenir n’importe qui en faisant n’importe quoi. Bien au contraire. Accompagné de Martin, l’ex bassiste de Fysh, qui se charge du son, Maxence apprend sur le tas, dans un esprit DIY décomplexé et franchement ludique. Ses chansons, dont quelques reprises décalées (sa dernière en date, de Coldplay, cumule plus de 200 000 vues en moins de 24 heures!), ont désormais une audience, virtuelle certes mais exponentielle (1,3 millions de followers sur Instagram à ce jour!). Il croise la route de VSO, un EP voit le jour, et une tournée. Il collabore à l’émission Crac Crac avec le Poulpe. Le rythme accélère. Il ne s’interdit rien tant qu’il peut s’exprimer pleinement, librement. Il a encore peut-être du mal à s’avouer qu’il est un artiste mais il n’est pas autre chose. Ses chansons dévoilent toujours cette capacité à mêler les sentiments. Il chante parfois un rire en coin mais dans “Dimanche” par exemple, il évoque aussi sa grand-mère disparue, l’ennui parfois mortifère en province. Maxence ne l’ignore pas: la vie est une valse enivrante où le rire et les larmes, le positif et le négatif, tourbillonnent sans cesse. 2019: il sort un EP, mixé par Martin et avec l’aide de deux producteurs, Waxx et C.Cole. Il signe finalement chez 3ème Bureau. Repart sur les routes. Bigflo & Oli lui proposent ouvrir pour eux sur six Zénith. Un soir, devant 15 000 personnes, coupure de courant. Voilà Maxence seul face à la foule, nu. Il improvise quelques blagues, le public en redemande. Une expérience indélébile et instructive. Un certain virus mondial freine alors sa course. Confinement. Autre temporalité. L’heure du premier album est venue. Entouré de Léo Faubert, ex Kid Wise, de Léo Bouloumié et de Clément Libes, Maxence travaille au corps et à l’âme ses chansons à Toulouse. “Tout est trop Beau” sortira le 5 novembre prochain. 13 chansons. Toute une existence. Un album sur l’amour, qu’il soit naissant ou en deuil, vibrant ou terrible, anecdotique ou pour toujours. Un album encore sur l’hypersensibilité, sur son rapport au monde et donc aux autres, sur le deuil avec “Le Même Chagrin”, qui traite de la perte d’un enfant, de ce manque insurmontable, sublime approche, tout en retenue, pudeur d’étoile. Si son EP assumait un certain esprit trap, hip hop et plutôt sombre, ce disque, lui, dévoile une lumière, un désir de dépasser les ténèbres indéniable. La chanson titre « Tout est trop Beau”, sorte de mini odyssée qui termine en apothéose et qui clôt le disque, est un hymne à la vie, Maxence chante qu’il faut y croire, malgré les coups durs. Ouvrir les yeux et voir. Relever la tête et faire un pas vers l’horizon. C’est là la démarche d’un enfant. Capable de convoquer la poésie au quotidien sans jamais se soucier du jugement de l’autre. La volonté de s’émerveiller, coûte que coûte, d’afficher une excentricité sans calcul. Et si Maxence est un influenceur, c’est surtout dans sa capacité à pousser ceux qui le suivent à s’assumer, à se lancer, à bousculer le doute. C’est son mot d’ordre. Il sait que les chansons ont ce pouvoir de bouleverser le destin. Il y a un autre élément dans sa musique à ne vraiment pas négliger: la nostalgie. Une nostalgie puissante. Sa mémoire est faite d’émotions, il se souvient comme si c’était hier, il associe des moments passés à des couleurs, peintre sans filet. Revivre ce qui a été. Ce qu’il a été. Ce qui plus jamais ne sera. “Poids-Lourd” évoque le choc brutal de la rupture. C’est une belle chanson, racée et indomptée. Une caresse barbelée. Du velours noir. “Parfum d’Été ”, son premier single, raconte un amour estival. Un coeur qui bat, fort. La musique de Maxence? C’est une pop aux influences multiples, une pop d’aujourd’hui sans étiquette, décomplexée. Hip hop, rock, électro, il croise les genres. Il n’a pas besoin de choisir car il s’est trouvé. C’est une musique paradoxale, gorgée de candeur et d’austérité, de dérision et de violence, de mélancolie et de soleil.
Et puis, c’est à noter, sur cet album, Maxenss est (re)devenu Maxence. Il ne se cache plus. Il est lui, rien que lui. Les masques tombent et il peut enfin exister. Il est prêt. Intensément prêt. Sur la pochette, on le voit dans un costume rose trop grand pour lui, un bouquet de fleurs à la main, une voiture agressive sur le point de rouler dans une flaque d’eau qui va l’éclabousser. Une catastrophe figée. Clown triste. Personnage d’un cartoon où le rire ne dit pas tout. Et où, encore une fois, la joie et la tristesse marchent main dans la main.
La sortie de l’album sera accompagné d’une mini-série sur YouTube, documentaire imaginaire et absurde sur la conception du disque. Maxence est également un acteur, il a déjà joué dans des séries et pour des téléfilms sur France 2. La suite sera sur scène, avec le fidèle Martin en duo ou avec son groupe, le même qu’au lycée. C’est aussi ça Maxence, une fidélité viscérale. L’envie de ne rien effacer. Il aime bien dire qu’il est un troubadour 2.0. Il a raison. Il peut même se débarrasser du 2.0. Ses chansons sont intemporelles, elles chantent les émotions qui font l’Humanité depuis toujours. Maxence est un funambule. Un ambassadeur de l’exubérance des sentiments. À la manière d’un Baxter Dury, il incarne une certaine beauté, celle qui ne se brade pas, celle qui permet de déchirer le voile de l’inéluctable. Tout est trop beau, oui, pour celui qui regarde le monde droit dans les yeux.